Nouvelles
8 novembre, 2008
De cultuel à culturel
Depuis décembre 2007, l’église Sainte-Marguerite-Marie, sise au 340, rue Saint-Patrice Est, à Magog, est fermée au culte. Comme dans beaucoup d’autres cas, la baisse du nombre de fidèles et le manque de ressources financières obligent la fabrique Sainte-Marguerite-Marie à se départir de l’immeuble. Bien que l’église ne fasse pas partie du répertoire de la Fondation du patrimoine religieux du Québec (elle a été construite après 1945), le répertoire patrimonial commandé par la municipalité de Magog en 2007 lui reconnaît une valeur patrimoniale supérieure par rapport aux autres bâtiments du territoire.
Bâtie en 1949-1950, l’église Sainte-Marguerite-Marie est inspirée du style Art déco, une rareté au Québec. Elle se démarque également des autres par son apparence à la fois moderne et traditionnelle. Son toit plat, ses formes géométriques et son ornementation très simple révèlent sa modernité; sa façade monumentale aux deux clochers symétriques et son revêtement de pierre lui confèrent un caractère traditionnel.
Après quelques années de discussion et plusieurs études, le conseil municipal de Magog a récemment décidé d’aménager la nouvelle bibliothèque municipale dans cette église plutôt que de construire un édifice au centre-ville. Le recyclage de ce bâtiment patrimonial comporte de nombreux avantages autres que financiers. La préservation d’un bâtiment lié à l’histoire de la ville et de sa population, la revitalisation du quartier des Tisserands où il est situé, de même que la pertinence du point de vue de l’économie des ressources de réutiliser un bâtiment existant sont autant d’arguments qui ont joué en faveur du projet de recyclage. Présentement évalué à 10,5 millions de dollars, ce projet serait financé en partie par le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, grâce aux subventions accordées pour les bibliothèques et à celles octroyées à une municipalité pour les bâtiments patrimoniaux qu’elle cite.
Le Conseil des monuments et sites du Québec (CMSQ) considère que le recyclage de bâtiments anciens devrait être une option envisagée avec beaucoup de soin puisqu’elle offre l’opportunité d’inscrire une action de développement dans la continuité et la durabilité d’un milieu. Sauvegarder un bâtiment patrimonial est possible si cette intention s’accompagne d’un projet de valorisation ou de recyclage compatible avec sa nature. Le recyclage des églises en bibliothèques s’avère un choix des plus appropriés, comme le démontrent plusieurs exemples à travers le Québec. Pensons à la Bibliothèque de théologie du Collège Jean-de-Brébeuf ou à la bibliothèque Rina-Lasnier à Joliette. Leur emplacement au sein d’une agglomération, leurs larges volumes, leur construction solide et leur ambiance sont des avantages certains.
Le CMSQ tient à féliciter la Ville de Magog pour son projet de recyclage et l’encourage fortement à poursuivre en ce sens. La valeur patrimoniale de l’église Sainte-Marguerite-Marie est indéniable, tant pour les citoyens que pour l’ensemble du Québec, et son aménagement en bibliothèque municipale lui permettra de conserver une vocation publique.
Conseil des monuments et sites du Québec
Site Internet : www.cmsq.qc.ca
Courriel : cmsq@cmsq.qc.ca
3 novembre, 2008
ALL DONE THE END OF BEN’S |
Originally uploaded by guil3433 |
3 mai 2008
Un sursis pour Ben’s Delicatessen
Jean-Christophe Laurence
La Presse
Le feuilleton de Ben’s n’est pas encore terminé. Alors qu’on croyait sa destruction imminente, l’ancien «delicatessen» du boulevard De Maisonneuve semble bénéficier d’un sursis.
Selon un rapport remis le 21 avril par le comité de démolition de l’arrondissement de Ville-Marie, le bâtiment ne pourra être rasé que sous certaines conditions.
La Ville demande notamment à la société immobilière SIDEV, propriétaire des lieux, de «réviser la conception architecturale du projet de remplacement», afin de respecter le style «streamline» (Art déco des années 40) de l’édifice original. Le promoteur devra en outre intégrer des éléments «commémoratifs» de l’ancien bâtiment et verser une garantie de 1 million de dollars à la Ville afin d’assurer sa démolition dans un délai de six mois et l’achèvement de la reconstruction dans un délai de 12 mois.
Malgré ses nobles intentions, ce compromis ne satisfait pas du tout les groupes de citoyens qui militent pour la sauvegarde complète du bâtiment. «Pourquoi le démolir si on doit le remplacer par un bâtiment semblable? s’interroge Roxanne Arsenault, qui défend avec ardeur le patrimoine kitsch montréalais. Pourquoi ne pas simplement intégrer l’ancien édifice dans la nouvelle construction? Cet endroit est quand même une institution.»
À la Ville, on explique que l’intégration de l’ancien édifice est impensable en raison de la nature du projet de SIDEV, qui veut construire un ambitieux immeuble de 15 étages.
Selon Mme Arsenault, Montréal aurait pourtant beaucoup à gagner en préservant l’intégrité du vieux Ben’s. «Quand on a des bâtiments qui sont témoins de notre histoire, surtout en plein centre-ville, c’est important de les conserver. Ne serait-ce qu’au plan touristique.»
Même son de cloche chez Art déco Montréal. L’organisme – qui a milité en vain pour le classement de l’édifice – ne comprend toujours pas que la Ville entérine sa démolition. «C’est un des derniers commerces Art déco de Montréal, explique Sandra Cohen-Rose. Nous avons déjà perdu le théâtre York et le théâtre Snowdon. Combien encore allons-nous en perdre? L’Art déco est une attraction pour beaucoup de gens de par le monde.»
Malgré de sérieuses requêtes faites en sens par Art déco Montréal, le bâtiment construit en 1949 n’est pas protégé par les lois patrimoniales. Les urbanistes de l’arrondissement ne voient pas de motif valable pour sauvegarder l’édifice, malgré son cachet si particulier.
Le promoteur Sam Benatar, de SIDEV, n’a pas voulu commenter la décision de la Ville. «Nous n’avons pas encore terminé l’analyse de ce dossier. Il est encore trop tôt pour dire quelle décision sera prise», a fait savoir le porte-parole de SIDEV, Louis Beauchamp.
Toutes les parties ont jusqu’au 21 mai pour s’opposer au rapport du comité de démolition. Le dossier sera ensuite débattu au conseil d’arrondissement, le 3 juin.
2 mai 2008
Palmarès des 10 sites les plus menacés de la FHC
La fondation Héritage Canada a publié le 30 avril 2008 son quatrième palmarès annuel des 10 sites les plus menacés.
La liste a été dressée à la suite de l’appel aux candidatures lancé par la FHC et en tenant compte des reportages et des dossiers d’actualité de l’année.
Le restaurant Ben’s Delicatessen
990, boulevard de Maisonneuve, Montréal – UN RESTAURANT MYTHIQUE S’EN VA À LA DÉCHARGE
Le restaurant Ben’s Delicatessen, l’emblématique édifice de style Art Déco facilement reconnaissable à son enseigne de coin lumineuse, attend le boulet de démolition. Situé sur un terrain de grande valeur, l’édifice a été vendu à un promoteur qui, selon les plans qu’il a soumis à la ville, souhaite y construire un hôtel de 14 étages comprenant un restaurant au rez-de-chaussée.
En dépit des tentatives répétées d’Héritage Montréal et de la Société Art Déco de Montréal pour faire classer l’édifice, celui-ci n’est toujours pas protégé.
Historique
Le 3 avril, la ville de Montréal a affiché un avis signalant une intention de démolir la façade de l’édifice. À une séance publique du comité de démolition de l’arrondissement de Ville-Marie tenue le 21 avril, la ville, tout en reconnaissant l’importance architecturale du restaurant Ben’s, a néanmoins approuvé la demande de démolition. L’autorisation précisait que la nouvelle construction devrait commémorer l’ancien restaurant.
« Si le promoteur était plus avisé, il préserverait l’édifice et construirait tout autour. Les plans soumis proposent un restaurant au rez-de-chaussée de toute façon » déclare Sandra Cohen Rose d’Art Déco Montréal.
La population a jusqu’au 21 mai pour s’opposer à la décision du comité auprès de leurs élus municipaux.
Ben et Franny Kravitz ont ouvert le restaurant Ben’s Delicatessen quand ils sont venus de Lituanie en 1908. Le restaurant a déménagé à son emplacement actuel en 1950 (conçu par Charles Davis Goodman) et est resté ouvert jusqu’en 2006.
Visité par des milliers de touristes, Ben’s a été le lieu de rendez-vous des célébrités telles que Leonard Cohen, Pierre Elliott Trudeau, René Lévesque et l’équipe de hockey des Canadiens de Montréal. Jusqu’en 2007, Ben’s figurait en tête de liste des dix meilleurs « delicatessens » compilée par le National Geographic Society. Le formica jaune, le décor chromé du déli de même que les murs ornés de photos autographiées faisaient partie du charme du restaurant. Le Musée McCord a accepté de préserver ces souvenirs, mais la Société Art Déco répète que ce n’est pas assez.
« Ben’s doit être intégralement préservé, dans le cadre de toute nouvelle proposition d’aménagement » déclare Sandra Cohen Rose. « Que ce soit en tant que restaurant ou pour un usage innovateur, il constitue un atout pour Montréal, par son apport historique et financier en tant qu’attrait touristique et plateau de tournage. »
Le fameux déli de Montréal est un bel exemple de l’architecture Streamline puisqu’il a su conserver en grande partie son décor intérieur original, allant des portemanteaux en acier inoxydable jusqu’aux tabourets et aux comptoirs aux lignes épurées.
« Le promoteur immobilier qui en a fait l’acquisition n’a pas idée de tout ce que Ben’s représente pour la ville” rapporte Dan Seligman de Pop Montréal. « Il croit qu’il va simplement s’amener, tout détruire et que personne ne s’en souciera. Mais si les gens se mobilisent, nous pourrons empêcher que les choses se passent ainsi. Il serait honteux que ce soit démoli. »
Montréal est la première ville nord-américaine à intégrer le réseau des villes Unesco de design. Réduire une icône de l’Art Déco à quelques photos commémoratives dans un édifice de remplacement remet en question la volonté de la ville de mettre en valeur le design urbain.
Ironie du sort, la Coalition internationale des sociétés d’Art Déco tiendra son congrès mondial de 2009 à Montréal, du 24 au 30 mai.